Marie-Christine Palombit
On sait que dans l’expérience chamanique, le remembrement a lieu suite à un long parcours de démembrement de tout le corps. Plus encore que rencontrer sa propre mort, le sujet fait ici l’expérience de sa dissolution au sein de la substance.
Ce qui est troublant dans le cas de cette série de peintures de Marie-Christine Palombit, c’est que ce « Remembrement » succède à plusieurs séries de fragments qui, à divers titres, peuvent être assimilés à l’expérience du démembrement.
Ainsi, si l’on suit le parcours de l’artiste sur le long terme, on constate une traversée de la violence et des passions (dès les premiers dessins en 1992, proches de Velickovic) entrecroisée avec un travail en profondeur sur le corps et sa fragmentation (surtout à partir des « Rouges » en 2004). Comme si à cette époque le corps ne pouvait être abordé simplement et intégralement.
Il faut en effet attendre 2011 pour que, dans « Les parcours », il tende à échapper à la fragmentation et à se distinguer de la substance. C’est là une première tentative d’un corps rayonnant, interprété par les couleurs fluorescentes. Mais il fallait encore passer par l’ensauvagement pour que se libèrent les forces susceptibles de le délier.
Ainsi, progressivement ce long parcours permet de passer de la violence à la danse. Ce que semblent indiquer les œuvres de 2019, c’est que ce parcours est celui de l’expérience chamanique. C’est le corps ramassé, enfin unifié, saisi juste avant son déploiement dans la danse, qui est évoqué dans la série « Remembrements ».
Cette série pourrait de ce fait renvoyer aux « Grandes calligraphies », mais en insistant ici sur l’aura englobant le corps remembré, signifié par l’enrobement d’un trait blanc exécuté à la craie grasse. C’est en effet, par l’huile, toute la substance du corps qui rayonne, à travers des teintes qui mènent du jaune au rouge en passant par les orangés, mais l’aura blanche le rassemble dans une nouvelle unité.
Philippe LOUGUET